JEAN-BERNARD MÉTAIS ENTRE IVRESSE ET ALCHIMIE

La Galerie La Forest Divonne présente une saisissante exposition de photographies du sculpteur et plasticien Jean-Bernard Métais. Ivresse nous plonge dans l’alambic d’un artiste-vigneron qui, depuis 1976, développe un travail photographique sondant les métamorphoses du vin au fond des cuves de son chai.

Le spectateur qui pose un regard vierge sur le travail de Jean-Bernard Métais, qui ignore tout des conditions du geste photographique, découvre un protocole visuel, une régularité dans le cadrage : l’omniprésence du motif du cercle se déploie dans une irisation de processus biologiques, chimico-cosmiques, qui les détachent de tout référent, de tout contexte. Les radicelles turquoise d’un œil, de cellules, les veinules sablonneuses, les filaments d’une chevelure galactique semblent jaillir d’un processus d’autodécantation. Ces images d’une matière en gésine, illuminée d’une éblouissante palette de couleurs, sont celles que l’artiste a ramenées à la surface. Photographiant inlassablement depuis des décennies les dépôts de vin au fond des cuves du domaine familial, il rend hommage à la transmutation du raisin en vin, à la puissance de vie d’une substance qui germe, s’arrache au néant, se bonifie.

La magie des photographies brouille les frontières de l’astral et du terrestre, du liquide et du solide, du présent et du passé. Jean-Bernard Métais se tient au milieu des choses qui éclosent, qui oscillent entre état minéral et état végétal. Traduit en œuvres photographiques, le vin de Jasnières – domaine viticole des Ménais depuis le XVIe siècle – décrit un voyage qui va des arpents de vigne à l’arpentage de sa naissance, de son évolution. L’ivresse visuelle que procure ce travail poétique provient de l’abstraction et de la décontextualisation. Nous ne voyons pas le cercle des cuves, la bonde, mais des stases alchimiques d’une matière en devenir, des iris surréalistes, des éclipses, des phénomènes astronomiques, des planètes inconnues, des méioses interstellaires. L’image fermente et vinifie autant que les cépages, les millésimes. A cheval sur la microbiologie et la macrobiologie, elle recueille l’esprit de la terre, l’esprit du vin, elle révèle la tribu des âmes colorées qui le composent. Le vin n’est pas seulement l’élixir qui permet la transmutation des métaux vils en or et l’obtention de la pierre philosophale. Il est l’alpha et l’oméga du Grand Œuvre alchimique.

VÉRONIQUE BERGEN•24 FÉVRIER 2023